‘Je parle à des extraterrestres’ – Éléonore Lebidois
Titre

‘Je parle à des extraterrestres’ – Éléonore Lebidois

description


Je suis très pressée d’en finir avec mon prototype. Mon robotype très joli avec sa robe très jolie et sa carrure toute en faire toute en conserve pour conserver sa péremption. Ma petite boîte je te parle à toi qui va donner de mes nouvelles à la terre r-­entière. Je suis nouvelle du début à la fin. Toute en attente toute en boule dans une capsule enfin quelque part et dedans je ris fort pour m’entendre rire parce que voilà je nage dans le bonheur. Mes pensées sont des ventres pleins et mes mains gauches des coups de bols. Je ne pense pas. Je réfléchis mon garçon bande réfléchissante ma fille passe resplendissante. La lumière fut un instant T têté. Je suis aimable avec moi-même mais je ne me dis jamais bonjour. Peut-être que je devrais me saluer. Me donner signe de vie. Sait-on jamais. Tout ce qui arrive. Je vous vois proches. Je me rapproche. Je suis dans une poche. Je me rapproche je me rapoche je suis dans un porche je suis dans mon proche. Je me rapproche de vous. Je m’a­voue moi-même. De vous à moi je dors. Je suis fatiguée de plus en plus fatiguée. Je vais aller là où j’ai peur. Me dévouer. Me lancer en l’air faire un tour. Et demi­ tour illico. Dormir légère parce que j’ai des connaissances en matière de gravité. Je ferme les yeux et je marche. TAC TAC POC POC TAC POC TAC TAC POC POC TAC TAC. Mon enfant est né mort né. Je l’ai rendu parce que quand je l’ai vu j’ai trouvé qu’il ne marchait pas très bien. L’amour est rose et le pot au feu est bouillant. Le ciel est bleu. Ses dents sont étincelantes. Je glisse de taille en taille. Je veux briller un peu plus qu’auparavant. Je crois que vous m’avez oubliée à l’arrière de la plage et c’est comme ça que j’ai appris à nager dans le bonheur. Je dois toujours faire attention à ce que je dis. Je dois même effacer tout ce que j’écris. Et je me sens mal quand j’y pense. En réalité je me sens bien là où je ne suis pas. C’est ce qu’on appelle un lieu commun. Vous avez sans doute beaucoup de bonheur dans votre bouche j’en suis sûre parce que j’essaye de faire pareil que vous et je me rends compte que je ne peux pas vivre la bouche vide jamais sans quelque chose à me mettre sous la dent. Je me sens pleine de bonheur comme vous. Dites-moi juste comment on arrête. Non ne me dites plus rien si je fais ça je ne peux pas faire autrement. C’est peut-être mieux. Comme ça. C’est peut-être mieux je ne sais pas. C’est peut­-être chiant d’habiter une chienne. J’ai entendu les mots pour la première fois. Je suis allée me promener. J’ai fait un tour là où vous m’avez dit d’aller voir. J’ai vu des choses. Je sais qu’il faut de la lumière. J’ai aussi rencontré des gens. Je leur ai dit que je venais d’arriver et que je ne connaissais pas leur langue. Je leur ai dit que je venais d’arriver. Ils m’ont dit de repartir parce qu’ici il n’y a rien. Ils m’ont dit ailleurs il y a ce qu’il faut. Je ne vous aime pas. À moi seule je suis le monde mais ça ne va pas très bien parce que je sais que je t’ai copié. Trente fois de suite. Des fois d’affilées. Je vous ai encore copiés. Je t’imite pour mon intimité. Je ne m’aime pas. Je ne peux pas me voir. Je suis mon bec de lièvre rapide et ma tortue galeuse lente à venir. Vous m’aviez prévenue. Vous m’aviez dit de me méfier des inconnus. Mais je peux vous voir. Est-ce qu’on s’est bien compris. J’ai trop mangé. J’ai passé la journée à avaler des liquides et des mous. Je m’efforce de tout garder. Je devrais peut-être ne plus avaler. Je devrais peut-être recracher. Vous cracher à la gueule. Mais ce n’est pas aimable. Je ne devrais plus accepter de vous demander de l’aide. Par les pieds. C’est par là qu’on attrape tout. Vous pourriez me pendre par les plantes de pieds et me secouer ou bien me pendre par la tête et regarder sous mes pieds tout ce qui s’est collé depuis que je sais marcher. Longtemps j’ai longtemps marché mais je ne marche plus. Tout est tranquille. Je me suis assise. Je me suis répétée les choses avec précision. J’ai voulu tuer celui qui commence à crier en bas de chez moi. Et je suis restée en haut avec mes paroles dans la tête. Des inconnus on s’en méfie mais on peut pas les tuer comme ça. Je me suis demandée trente fois de suite si je devais t’aimer. J’ai repris du yaourt. Vérifié mes peaux percées remis du jus dans les poches. Je remets mes mains à la pâte. Je malaxe tout le mal que je me fais seule. Parce que j’ai mal mais c’est de ma faute. J’ai fait des erreurs. Je sais peut-être où aller. Je pense à partir comme si je devais tout quitter. Mes lieux communs et mes amis. Mes connaissances. Aller loin. Mettons que je mette mes yeux ouverts dans mes valises. Mettons que je mette dans mes poches mes lampes. Mettons que je mette dans mes pantalons mes fermetures éclairs. Mettons que je remette mes bouts. Je m’essuie le coin de la bouche. Je crois que je suis un peu bouchonnée. Je dois aller dehors. Ici ou là on aime la tristesse. Ici on aime bien casser les genoux. Ici rien n’a été inventé. Ici c’est. Ici c’est dors.