« Quatre sonnets rétais » – Thomas Sidoli
Titre

« Quatre sonnets rétais » – Thomas Sidoli

description

Sainte-Catherine
Détruite au dix-septième, un 25 aoust,
jour de feste du Roy Sainct Louys
et reconstruite à la manière carrée
si prédominante en ces trois îles
devenues une, je la pénètre, trois-cent
quatre-vingts neuf ans plus tard, jour
pour jour, mon vélo posé contre
un tilleul du parvis,
face à la façade
austère, dont les portes de rouge peintes
dissimulent les richesses d’un autre temps –
de commerce dit maritime ; sans que l’on sache
ce que cache cet euphémisme – et je brûlai
un cierge aux pieds de Saint-Antoine de Padoue.

La Prée
Fort d’opérette dixit Vauban
qui en rasa les fortifications
extérieures ; négligé par Bou-
quingan lors du siège de Saint-
Martin, ce qui lui dut faire
avorter son entreprise après

quatre-mille vies rappelées
sur les sept qu’il avait à dis-
position ; construit des ruines
de l’abbaye Notre-Dame-de-Ré, dite
des Châteliers ; étoile de mer de
pierres, d’un port dotée, ainsi que
de poternes ; et surtout de latrines
donnant sur mer, innovation déco de l’époque.

D’Aix
Petite île face à Fouras
– la commune et non le père –
dernière parcelle de terre
française foulée par l’usur-
pateur avant de se rendre
aux Britanniques, avec une
candeur de jeune première,

lui qui croyait qu’ils fussent disposés
à lui faire profiter de ce « sois maître
de ton corps » – ou pour les irréductibles,
habeas corpus, signée par un autre sans terre,
ce Jean de la Grande Charte de 1215 – au lieu
qu’ils lui firent profiter d’une maison
à Longwood dont hérita en 1858 son neveu, dit le Petit.

Un consommé
Un Romeo y Julieta N°2 en terrasse
Des rétaises pêchées le matin-même
Accompagnées d’un rosé des dunes
Suivis de bulots, suivi d’un plat
dont il ne se souvient pas,
et une sieste, et une promenade
à vélo, et un Cumpay short à
l’ombre des tilleuls du parvis
Sainte-Catherine, et puis une
tartelette de glace caramel au
beurre salé, et de nouveau du
vélo, et une plage, et une nage,
et un petit bourgeois de Nourissier
et un San Luis Rey regios pour terminer.

Sonnet con
Tu n’es qu’un pauvre con
même pas assez con pour qu’on
te prenne pour un con. Un sous-con,
une innocente merde que l’on
piétine sans y faire attention
un après-midi de pluie
lorsque les corps gras expulsés
se mélangent aux liquides
du trottoir gris qui luie.
C’est en cet endroit scintillant
que cette pauvre histoire
que tu nommas vie
se termine ici ce soir
ta gueule entrouverte bafouillant.